REPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE
Campagnes de « dérochement » sur 600km de fleuves Oubangui et Congo entre Bangui et Brazzaville – Septembre 1987 à Mars 1993
Le Ministère de la coopération m’envoie en Centrafrique à Bangui pour des campagnes de dérochement afin d’assurer au maximum la navigation pendant les six mois de basses eaux.
La « brigade » est composée de 18 membres d’équipage, et comprend un « pousseur », 2 chalands d’habitation, 2 chalands équipés de grues à câbles, 1 chaland avec une pelle hydraulique Poclain, et 2 bacs automoteurs pour transporter les roches. La longueur totale du convoi est d’environ 150 mètres.
La campagne de dérochement démarre en Décembre et se termine en Juin. Pendant ces 7 mois la seule liaison avec la base est l’émetteur radio.
Je suis le seul « blanc » à bord à gérer une équipe de 50 personnes, car l’équipage peut amener avec lui femme et enfants.
Je suis également comptable, pour la paye, infirmier, « gendarme », et autres…, donc seul maître à bord !
Le plus difficile est de prévoir pour 7 mois nourriture, médicaments, car sur le fleuve il n’y a aucun commerce permettant de s’approvisionner. De temps en temps, je m’arrange donc pour faire escale 2 ou 3 jours dans des concessions de forestiers ou des missions catholiques ou protestantes. Je suis d’ailleurs toujours bien accueilli et j’en profite pour refaire le plein de légumes frais et de fruits.
Le dérochement au fond du fleuve se fait à la dynamite pour « casser » les rochers. Ensuite, les morceaux de rochers sont remontés en surface par une grue, puis déposés dans le bac d’une barge accolée au « pousseur ».
Le dérochement se faisant à la dynamite, après chaque tir l’équipage se dépêche de récupérer le poisson, qu’il fume afin de le conserver. Malheureusement, seulement un tiers du poisson tué par l’explosion de la dynamite remonte en surface, aussi pour nourrir tout l’équipage, j’organise en plus une fois par semaine une « pêche à la dynamite ».
En cas d’évacuation d’urgence d’une personne, j’ai un hors-bord de 110 CV pour amener le malade au dispensaire le plus proche. Il arrive parfois dans les villages ou nous faisons escale pour la nuit de voir arriver à bord des gendarmes intrigués par ma présence et battant deux pavillons « Centrafricain » et « Congolais ». Après avoir bu une bonne bière fraîche, ils repartent complètement rassurés !
Je garde de ces campagnes de dérochement un bon souvenir malgré parfois la peur de voir un enfant tomber à l’eau, ou d’être « attaqué » lorsque je distribue la paye de l’équipage. Je n’ai pas voulu avoir une arme à bord, et donc ma seule défense est mon berger allemand » Prince ». Les villageois n’ayant jamais vu un gros chien de cette taille ne s’approchaient en général pas trop près de mon chaland.
Tous les soirs en escale, et le Dimanche nous allions en brousse, cela m’a permis ainsi de rencontrer des pygmées, mais aussi de voir des animaux sauvages, singes, éléphants, hippopotames, et également quelques serpents, en particulier des pythons.
Après chaque campagne de dérochement terminée, retour à Bangui pour entretien du matériel, puis retour en France pour deux mois de congés bien mérités
Alain Guillouard